mercredi 19 janvier 2022

Le chevalier flamboyant

La série de texte qui va suivre a été écrit pendant le mois d'octobre pour un challenge d'écriture où il fallait que j'écrive en texte en fonction d'un mot précis. 

Le mot de ce texte est : FLAMBOYANT


Le chevalier flamboyant 


    La rumeur courrait dans les rues plus vite que les rats fuyant les chats, gonflant, enflant, prenant de l’ampleur à chaque murmure, à chaque phrase. Et derrière cette vague de « j’ai entendu dire… », de « tu n’es pas au courant ? », de « il faut que je te raconte », les gens s’agitaient, les gens courraient, toujours plus vite, toujours plus pressés. 

     Avant même que le clocher n’ait sonné huit coups, toute la ville était en ébullition, battant le pavé d’impatience et les gardes contenaient à grand peine les curieux loin des portes d’entrées. Et pour cause, le chevalier Paloum revenait. Et non seulement il revenait, mais il revenait victorieux. « Il a écrasé son ennemi avec la seule force de son poing », « il l’a fait tomber de cheval juste en croisant son regard », « son adversaire a tellement eu peur qu’il ne s’est pas montré au combat ». Les papotages et commérages en tout genre allaient bon train. A raison. Le chevalier Paloum, chevalier attitré du seigneur de ces lieux, favori du roi, voleur de cœur de ces dames, n’avait souffert d’aucune défaite en tournoi depuis son adoubement. Et fait encore plus exceptionnel, il n’avait jamais essuyé une seule blessure. 
    Cet exploit encore inégalé et resté inégalable avait bien entendu son lot de détracteurs qui appelaient à la sorcellerie ou à la magie noir, tant il paraissait impossible qu’un homme soit capable de telles prouesses. Les fidèles quant à eux vantaient les talents de cet homme extraordinaire et mettaient en avant sa fidélité exemplaire au seigneur et au roi. 

Et soudain les portes s’ouvrirent. Et soudain, les étendards s’avancèrent. Et soudain les bruits des sabots retentirent. Et soudain les écuyers arrivèrent. 

La foule guettait. 
La foule s’impatientait. 
Mais la foule attendait. 

Et après un cortège de serviteurs, hérauts, écuyers, apprentis, dame de compagnie, son attente fut récompensée. 

    Tenant les rennes de son cheval d’une seule main, prêt à saluer la foule de l’autre, le chevalier Paloum approchait. Il avait fière allure dans son armure étincelante, aussi brillante qu’au premier jour. Les rayons du soleil se reflétaient à la perfection sur le plastron luisant, illuminant les rues et le cœur des gens. 
    Son casque sous le bras, sa magnifique chevelure rousse bercée par une brise légère, il répondait maladroitement à la clameur des habitants à son passage. 
A côté de lui, Hemrich, un autre chevalier, ne pouvait s’empêcher de sourire. Malgré sa popularité évidente et ses exploits sans cesse renouveler, Paloum n’arrivait pas à s’habituer aux jets de fleur, aux déclarations d’amour enflammées, aux cris d’allégresses ou autres manifestations d’admiration à son égard. Il jeta un regard en biais à Godefroy qui lui rendit son sourire hilare. 

    L’avancée dans les rues se passait sans encombre, jusqu’à ce que le chevalier Paloum entendit un écho qui discordait avec ceux de la foule en liesse. Son regard se porta au-delà de la haie d’honneur et il remarqua un mouvement inhabituel. Intrigué, il arrêta son cheval. Ses comparses l’imitèrent troublés et curieux. D’un coup de talon, et d’un mouvement de main habile, il dirigea sa monture vers l’origine de l’élément perturbateur. 
    Progressivement, la foule se calma, et s écarta, surprise par le comportement insolite du chevalier qui d’ordinaire retournait au château du seigneur sans plus de cérémonie. 
    L’élément perturbateur se révéla être deux enfants aux prises avec plusieurs gardes qui semblaient les empêchaient d’approcher. Paloum prit alors la parole. 

« Hola vaillants soldats de la garde, pouvez-vous me dire ce que cela signifie ? »

Aussitôt que les deux bambins remarquèrent la présence du chevalier, ils se tinrent cois, la bouche bée. Les gardes quant à eux, eurent un mouvement d’agacement qui disparut aussitôt qu’ils reconnurent le grand, le fameux, le magnifique chevalier Paloum. Ils s’adressèrent à lui du mieux qu’ils purent alors qu’il descendait de son vaillant destrier. 

« Ils voulaient s’approcher de vous Monseigneur chevalier, mais nous on n’voulait pas trop, qui sait ce que ces manants, ces vauriens peuvent cacher sous leurs tuniques et on aurait été comme qui dirait embêtés qu’il vous arrive malheur. » 

    Le regard du chevalier se porta sur les deux enfants. Il se demanda un instant comment les gardes pouvaient penser que ces gamins pouvaient représenter une quelconque menace. Deux jeunes garçons d’une dizaine d’année, peut-être douze, leurs corps malingres et sales rendant difficile une estimation correcte. Leurs tuniques n’étaient pas de première main et laissaient passer plus de courant d’air qu’elles ne retenaient la chaleur. 
Le plus jeune et le plus fin des deux sembla reprendre ses esprits et commença à parler. 

 « Sieur Paloum, je… » 

Aussitôt l’un des gardes se retourna et leva la main. La fin de son geste fut interrompue par la poigne de fer du chevalier. La foule retint son souffle. 

« J’aimerai entendre ce qu’il a à me dire. » 

Le garde ouvrit la bouche et la referma comme une carpe. Si ça ne tenait qu’à lui, il aurait renvoyé les gamins de la boue d’où ils venaient, mais il ne pouvait pas tenir tête à un chevalier, et encore moins à celui-là. 

    Loin du regard assassin du garde, loin des regards de pitié de la foule, le regard du chevalier s’était teinté d’une certaine tendresse, et peut-être même, d’une pointe de nostalgie ? 
    Quelqu’un d’attentif aurait remarqué que les yeux du chevalier ne regardaient les enfants d’ailleurs, ils s’étaient perdus dans le temps. Ce n’était pas de simples marmots qu’il contemplait, c’était lui, il y a bien longtemps. 

Quand il se nourrissait avec le souvenir de son dernier repas. 
Quand ses meilleurs habits n’avaient qu’une dizaine de trou. 
Quand il se convainquait que marcher pied nu ça forgeait le caractère. 
Quand il était si fin, qu’il ne semblait pas avoir d’ombre. 

Le chevalier Paloum ne venait pas d’une maison noble. Il avait grandi dans la rue, entre des tonneaux, des rats et des cris de poissonniers. Les gens se moquaient de lui. Il était frêle. Il avait des cheveux de couleur bizarre. Il avait un prénom original. Bref, le parfait chien galeux, le parfait bouc émissaire. 
Si le chevalier Paloum n’était pas à l’aise avec sa chevelure. Si le chevalier Paloum courbait le dos quand il saluait la foule. Ce n’était pas par humilité. C’était par peur. 

Peur de recevoir une moquerie. 
Peur de recevoir un cri. 
Peur de recevoir du poisson pourri. 

Les vieilles habitudes avaient la peau dure. Surtout quand elles ont guidé chacun de vos pas depuis votre enfance. 

    Car même si par chance il avait réussi à devenir palefrenier, puis écuyer, puis apprenti chevalier, les moqueries, elles, n’avaient jamais cessé. Il était même presque certain d’avoir entendu un rire étouffé lors de son adoubement. En fait, le chevalier Paloum se souvenait très bien du jour où les moqueries s’étaient arrêtées. 
Après sa première victoire, annonciatrice de tant d’autre… 
Il avait expédié son adversaire plus rapidement que n’importe qui d’autre en le désarçonnant de son cheval dès la première lance. 

Après les railleries. 
Le silence. 
Après le silence. 
Les cris de joies. 

Et ceux-ci retentissaient encore et toujours. 

Son regard se plongea dans celui du gamin. 

« - Sieur…euh… je…  
- Rends toi aux écuries demain, il y aura du travail pour toi, et pour ton ami s’il le souhaite. » 

Le gamin n’en croyait pas ses oreilles. D’ailleurs personnes n’en croyait ses oreilles. Encore moins les gardes. 

Sans en ajouter plus, le chevalier se redressa et retourna à son cheval. Avant de monter en selle, il se tourna une dernière fois vers les marmots. 

« Quel sont vos nom, damoiseau ? » 

C’est avec un sourire flamboyant mais manquant de dent que le jeune lui répondit : 

« Arthur monseigneur ! Et mon compagnon c’est Gabin ! » 

Paloum hocha la tête, enfourcha sa monture et reprit sa marche vers le château alors que les ménestrels se mirent à chanter une balade : 

« Puissants cheveux, 
Ondulés au vent 
Semblant de feu, 
Aux reflets rougeoyants. 
Quand la défaite coûte aux arrogants, 
Il n'y a point de doute pour cet élégant 
Personne ne joute, sans craindre l'étincelant 
Aucun sang ne goutte, sauf pour ces manants
Comme un Loukoum vous donne la force de cent 
Gloire à Paloum, le chevalier Flamboyant » 


Merci à Dr_Pargo pour le poème

jeudi 7 janvier 2021

ProMenAdE DAnS Le GiVrE

Ce matin, il a gelé.

Enfin, cette nuit plutôt. De ma fenêtre, le givre donne l’impression que la vallée est recouverte d’une mer de glace.
Le ciel est bleu, sans nuage, et malgré le soleil, je sais qu’il doit faire aussi frais que beau.
Qu’importe.
Une écharpe. Un bonnet. Un appareil photo. Me voilà dehors.
Le froid me saisit aussitôt, je le sens qui s’infiltre insidieusement, qui cherche à engourdir mes doigts de pied, qui me refroidis les cuisses et qui me gèle les doigts dès que j’ai le malheur de les sortir de mes poches. J’expire. Un nuage de buée s’échappe de ma bouche, éphémère, il s’évapore rapidement, je le regarde disparaître avant de me mettre en route.
L’atmosphère est particulière. Il règne une ambiance légèrement brumeuse, doucement calfeutrée. Les sons sont comme étouffés et le plus bruyant reste mes pas sur le sentier. À tout moment il me semble que je vais croiser la route d’un elfe, d’un hobbit ou d’une fée.



Seule au monde.
 
A part quelques oiseaux, invisible dans les fourrés qui trahissent leur présence par leurs cris d’alerte.
 
Seule et intruse dans un monde, j’écoute.
 
J’entends le chien qui aboie au loin, de l’autre côté de la vallée, comme un appel d’un autre temps.
J’entends l’écoulement de la rivière blotti dans son lit, doux murmure apaisant.
J’entends le chant d’un merle, furieux d’avoir été délogé dans sa recherche de nourriture.
J’entends le bruissement d’ailes de passereaux dans le bas-côté.
J’entends le vol de cygne dans l’espace azuré.
J’entends le tap-tap du givre fondant sous les rayons timides du soleil qui se frayent un chemin entre les arbres.
J’entends l’herbe blanche craquer sous mes pas.



Le givre habille le bord des feuilles, recouvre les branches, dessine des arabesques improbables en dévoilant des toiles d’araignées.




Sous le soleil une feuille morte se pare de diamant, des poils entremêlés dans le barbelé se transforment en fil argenté, instants passagers et magiques, rendant visible l’invisible, les cristaux de givres dévoilent la beauté cachée de la nature en hiver.


Mes doigts frigorifiés tentent de capturer ces instants éphémères, d’enfermer cette atmosphère.
Ils y arrivent… presque… Pas tout à fait.


 
Cet après-midi, je suis retournée me promener.
La brume a disparu. L’ambiance n’est plus la même. Il fait gris. Nuageux banal.
La Nature a perdu ses parures.
L’atmosphère du matin n’en devient que plus magnifique et irréelle.



Je vous souhaite une année magique.
Une année magnifique.
Une année remplie d’instants éphémères à savourer.
Une année à chercher le soleil derrière chaque nuage.
Une année remplie de surprises, de mystères, de chemins dérobés.

lundi 7 décembre 2020

PoUSsIèrEs

Vous soufflez sur la poussière comme le loup qui cherche à faire s'envoler les maisons des trois petits cochons.

Bien sûr il en reste encore un peu. Il faudra finir au plumeau.

Bien sûr qu'elle s'envole pour aller se reposer ailleurs. 

Bien sûr qu'elle rentre dans vos narines.

Bien sûr que... ATCHOUM... 

Bien sûr...


Maintenant le livre est là dans vos mains. Vous savez parfaitement ce qu'il contient. Des photos, vieilles, jaunies, décrépies. Des souvenirs, effrités, illisibles, retenus par un morceau de scotch. Et pourtant vous hésitez à l'ouvrir. Voulez-vous vraiment revenir en arrière ? 

L'ouvrage usé mais non terminé vous regarde sans vous juger. Comme trois points de suspension au bout d'une phrase... 

Voulez-vous continuer ? L'ouvrage s'étend sur plus de dix ans, avec des périodes de pause, des périodes de promesses, cette-fois ci je le fais et je m'y tiens de façon régulière, qui durent quelques semaines, quelques mois au mieux. 

Et puis vous avez grandis. Les premiers textes, les premières réflexions, vous savez qu'elles ne vous correspondent plus. Vous savez que vous n'y croyez plus. En le regardant plus attentivement, vous avez l'impression de tenir la créature de Frankenstein dans vos mains. Un livre qui regroupe votre adolescence, votre vie de jeune adulte, vos rêves oubliés. 


Que faire ? 


Vous l'ouvrez. Vous relisez avec nostalgie certains de vos œuvres, parfois surpris de la qualité, parfois grimaçant devant une faute d'orthographe (et pourtant vous en faites encore aujourd'hui), parfois en ayant envie de déchirer certaines pages aussi... 

Vous arrivez à la fin. 

Le livre est toujours dans vos mains. 

Alors, vous le continuez ou le remettez sur l'étagère ?


Pour ma part, j'ai décidé de lui redonner sa chance.


A bientôt.   

jeudi 27 novembre 2014

FoRTeReSse






 Sentinelle d'éternité
Témoin de tout temps
Ombre menaçante,
Présence imposante.

       




Château de Cendrillon
Repaire Maléfique.
Qui sait qui se cache,
sous les pierres...











Forteresse de Pierre.
Palais immémoriaux.
Sculpté par le vent et l'eau.
Montagne.



jeudi 20 novembre 2014

ChArLoTte

A gauche, "Daberlohn at Paulinka sur le piano pour "Bist du bei Mir" de Bach | A droite, la couverture de "Charlotte", de David Foenkinos

Un jour j'ai eu un choc. Je payais mes livres dans une librairie et pour une raison X ou Y, je lève les yeux, et mon regard se promène sur les étagères, et se retrouver face à moi. Ou plutôt, face à une partie de moi.
Mon prénom
Charlotte

Sous les sorties littéraires du mois. le livre, Charlotte de David Foenkinos. Le nom de l'auteur me dit quelque chose. Alors que je rejoins mes camarades de classe, je trouve. David Foenkinos auteur de la Délicatesse, livre que j'ai beaucoup aimé. Livre où j'ai beaucoup pleuré.
Nous quittons le magasin. Le livre reste dans ma tête. Quelques mètres plus loin, j'invente une excuse bidon, abandonne mes camarades. Curieuse. Je reviens sur mes pas. Dans la boutique, je prends le roman, lis le résumé. Le repose. Pas convaincue.

Un mois plus tard, ma mère me fais un cadeau. Je tâte l'emballage. Un livre. Je découvre le titre sans réelle surprise.

Certaines rencontres sont inévitables.
Surtout quand ces rencontres ont le même prénom que vous.

Le livre traîne quelques jours sur ma table de chevet. Je suis dans une autre lecture.
Un soir, je commence.
Seule avec Charlotte.

Erreur

Le drame me monte à la gorge.
Deux pages et j'arrête.
Trop d'horreur.                                  
Trop intense.                
Trop... Réel.

Je ressens un besoin d'appeler pour me rassurer. Pour me sortir du livre. L'immersion a été trop rapide. Ce n'est pas que je n'arrive pas à sortir la tête de l'eau, c'est que je me noie, tout simplement. Je le repose sur ma table de chevet.

Les jours passent encore. Le livre ne bouge plus. La couverture est cachée. Sur le bandeau, Charlotte me regarde avec un air neutre, que j'imagine rempli de reproche, reproche de la laisser là. Malheureusement pour elle je ne lui accorde aucune attention, je ne touche même pas le livre. Je suis encore trop marquée par cette première rencontre. Je la laisse cicatriser. Je finis de vider l'eau de mes poumons.

Et. Un jour. Aujourd'hui. Je me décide.
Pourquoi ?
Le livre se retrouve dans mon sac.
Comment ?

Je lis.
               Dans le tram.
                                       En attendant le professeur.
                                                                                   Pendant la pause.
                                                                                                                 Pendant le cours même.
                                                                                                                                                     Je lis.

Il faut que je finisse cette histoire qui m’asphyxie.

L'auteur parle de façon haché. Comme s'il se débattait à la surface d'une eau agitée, lâchant ses phrases quand sa tête sort de l'eau.

Rapidement pour ne pas boire la tasse.
Rapidement avant d'être de nouveau immergé.
Rapidement au lieu de respirer.

Raconter est plus vital que respirer.
Surtout dans cette rencontre. A des dizaines d'année d'écart. Rencontre intense.
Rencontre à sens unique. Rencontre unique. Rencontre vitale.

Raconter... Comment ?
Sa vie n'est pas de celle que l'on raconte paisiblement.

Raconter cette vie.
Quelle vie !?
Vie de mensonge, de souffrance, de douleur.
Vie de joie, de révélation, d'artiste.
Vie intense. Lourde vie. Mais Vie tout de même.
Exceptionnelle même, de vivre cette Vie.

Le livre est refermé. Fini. J'essuie les larmes aux coins de mes yeux. Je me pose. Je réfléchis.

Parce que Charlotte est mon homonyme, j'ai un instant l'impression de la comprendre.
Un instant.
Fugace.
Déjà oublié.
Qui peut comprendre ?

Je pleure.
Autant touché par la vie de cette peintre que par le récit de l'auteur.
Une déclaration.
                                         Une recherche.
                                                                                 Une découverte.
                                                                                                                           Une obsession.

David Foenkinos et un autoportrait de Charlotte Salomon
@ Franck Courtes Agence VU/Keystone

Dans la hâte des mots, le bousculement des phrases, la précipitation de l'écriture, il y a de tout ça. Et ça se sent à la lecture.
Et en tant que lecteur. Nous aussi. On se sent vite. A court. D'oxygène.

A la hâte... le récit est trop important pour qu'on ait besoin d'oxygène. Comme une écharpe il s'enroule autour de nous. On ne peut pas lâcher le livre. On lit en apnée.

Et puis...
On ferme le livre, on lève les yeux. Le monde existe. Et ce n'est plus celui de Charlotte.

Pourtant. Pendant un moment. Elle était là. Dans l'écharpe. Dans l'apnée.

Il faut se battre, se débattre. Reprendre pied. Pied sur quoi ?
Réapprendre à respirer.
Et puis il faut digérer, digérer le livre, digérer l'obsession... Quoique ce n'est pas vraiment le terme exact. Ce n'est pas du tout le terme exact. C'est quelque chose de plus fort. D'indéfinissable.

Que faire après un tel livre ?

Le livre se ferme, et ma curiosité prend le pas.. Qui est Charlotte ? Je viens de lire l'oeuvre sur sa vie. 

Je veux voir les œuvres de sa vie, l'oeuvre de sa vie...
                                                                 Je veux...
Je veux vivre.

Du livre Leben ? Oder Theatrer ? De Charlotte Salomon
Merci Mr. Foenkinos.
Merci Maman.

Merci... Charlotte.

jeudi 13 novembre 2014

OLd ThiNgS

*** by karamelo-serenity


Ce matin quand je suis descendue déjeuner.
Comme d'habitude.
Il n'y avait personne dans la cuisine.
Comme d'habitude.
Je vais ouvrir au chat.
Comme d'habitude.

Je suis une lève-tôt et souvent, je prépare le petit déjeuner pour toute la famille. Alors, je m'y met. Je sors la confiture.
Comme d'habitude.
Puis une tasse pour le café de papa et un bol pour maman. Alors que je pose la main sur la poignée du placard, un bruit me fait me retourner. Que vois-je ? Un minuscule papy qui essaye de poser une tasse - apparemment - sur la table.

" EH ! que faîtes-vous là ?" aurait été une chose à dire, mais bloquée par la surprise, c'est juste un :
"EH ! Que faîtes-vous ?" qui est sorti.
"- Je met ma tasse sur la table. Moi aussi je veux prendre mon petit déjeuner.
- Comment êtes-vous rentré ?
- Comme le chat, par la porte.
- Que faîtes-vous là ?
- Je vous l'ai dit, je met ma tasse sur la table, je veux petit déjeuner."

Je passe une main sur mon visage, à la fois par découragement et pour cacher mon sourire. Je me sens.... désemparée. En même temps comment faire devant tant d'audace ? Pour me donner le change, je regarde le papy. Il est tout petit. Il a une cape d'une autre époque. Il est tout fripé. Comme une très très très très vieille pomme. Il est trognon. Trognon de pomme. Je laisse échappée un sourire de ma blague. Très nulle au demeurant.

" - Pourquoi tu souris ?"

Je rouvre les yeux et sursaute, le bonhomme est juste sous mon nez, accroupis sur la table. Je recule de surprise.

"- Euh, hum, euh, je me disais que vous ressembliez à une vieille pomme.
- Ce n'est pas très drôle, et plutôt assez proche de la vérité en fin de compte.
- Et que du coup, vous étiez trognon. "

Ah mon grand étonnement, le vieux papy se mit à rire. A rire. Puis il me regarda.

" - Tu veux bien petit-déjeuner avec moi ? "

Je n'ai pas osé dire non. Je ne sais pas pourquoi. Il me plaisait bien ce petit papy. Et puis il n'était pas désagréable. Pas malpoli. Et il y a quelque chose dans son rire. Je prens mon petit déjeuner avec lui. En face de lui. Il ne mange grand'chose, je suppose qu'à cet âge là on ne mange plus beaucoup. Même si sa vivacité m'étonne un peu quand même. Et puis il y a cette lumière dans son regard quand il parle.

Je suis tellement captivée que je n'entend pas ma mère descendre les escaliers et je ne la remarque que lorsqu'elle ouvre la porte et entre dans la pièce.

" Bonjour Maman, je peux tout t'expliquer !" phrase basique, mais je panique un peu.
" - Expliquer le vacarme que tu fais depuis tout à l'heure ? Qu'est-ce qui te fais autant rire toute seule ?
- Je discutais.
- Avec qui ? "

A ce moment je me tourne vers le petit bonhomme avec un regard complice, ne comprenant pas ce qu'elle ne comprends pas.

Je me retourne, il n'y a ni tasse, ni grand-père dans la pièce. Juste l'écho d'un rire...

jeudi 6 novembre 2014

MaRmOTtes



Ce sont d'abord des cris. 
Un cri. 
Cri d'alarme, cri de danger. 
Une sentinelle crie et c'est toute une armée que vous entendez. 
Echo répété. 
Où est-elle ?

Pas la peine de chercher,
Elle a déjà disparu dans les rochers.
                                                             Qui ? Elle.
Elle ? La marmotte.

Petite boule de fourrure. 
Brun, gris, doré... 
Allongée sur un roc, broutant dans l'herbe, 
Elle vous regarde passer sans que vous ne la remarquiez.

Cri. Contre vous.
Contre un chien.
Contre un rapace.
Vous cherchez.

Trop tard.

Et soudain. Là !
Un museau qui remue.
Des oreilles à l'affût.
Elle est là.

Boule de fourrure. Se rembourrant pour le dur hivers.
Des jeunes jouant dans les rochers.
Un bébé et sa mère.

Du coin de l’œil elle surveille. Veille.
Immobilité. Sentinelles dressées.
Un cri, et la voilà partie.

Celle qui se réchauffait sur le rocher. Envolée.
Celle qui mangeait dans le pré. Volatilisée.
Celles qui jouaient à se courir après. Évaporées.


                 


Pour surprendre ces sentinelles.
Patience.
Silence.

Et elles pointent le bout de leur nez.
Jusqu'au prochain danger.

jeudi 30 octobre 2014

EnVIe

Avoir l'envie d'écrire et se retrouver devant une page blanche.
Avoir l'envie d'écrire.
Avoir plein de chose dans ta tête et rester aphone de l'écriture.

Du coup, dans ces moments-là, je me limite. Je prends une image, une phrase et j'écris un texte à la suite, en fonction de l'inspiration que va me donner l'image, la phrase.

" Donnez-moi un point d'appui et je soulèverais le monde" disait Archimède, il n'avait pas tord. En dehors des principes physique et mathématiques.

Donnez-moi un sujet d'inspiration et je vous écrirez un texte.

Mais sans sujet. Sans restriction.
                                                   Rien.
                                                         Ou plutôt.
                                                                      Tout.
TOUT.
Tous les possibles qui vagabondent dans ma tête. Libre.

Je peux TOUT faire. TOUT.

Alors que faire ?
En fait la page blanche est la manifestation d'une incapacité à faire un choix.
Quand elle n'est pas la manifestation d'un manque d'inspiration.

Blank Pages by andrahilde

A savoir se décider : sur QUOI vais-je écrire ? QUE vais-je écrire ?
Ecrit d'invention, poème, texte, réflexion, expérience personnel, nouvelle, conte, comique, triste, etc ?

QUOI ?

Que choisir ? De quoi ai-je ENVIE de parler ? Qu'ai-je ENVIE de faire ? 

?

Le point d'interrogation. Ce fameux point d'interrogation...

Ce simple symbole cache toute une imagination bourdonnante. Ecrivez un gros point d'interrogation sur une feuille blanche en guise de texte. Faîtes-le. Et regardez-le bien ce symbole. Comment une aussi petite chose (même écrit en grand, c'est pas bien énorme) peut aussi bien représenter à la fois le tourbillon de vos pensées, le flux de votre imagination, tous les texte en puissance dans votre esprit et le vide qui en résulte ? Un vide anti-créateur. Un vide qui phagocyte votre pensée créatrice. Un vide.

L'heure tourne et la page reste blanche.

Et là. Une image. Une phrase.

Et le texte vient, tout seul.

Comme s'il attendait juste que l'on trouve la bonne clé pour sortir de la cage de notre imagination.

jeudi 23 octobre 2014

ConDItionNeMeNt

Il n'y a pas si longtemps, j'ai lu le livre d'Aldous Huxley, le meilleur des mondes. Roman dystopique sur une société fondée sur le conditionnement extrême. Alors, oui, bien sûr, il y a du conditionnement dans notre société. Juste un exemple, comme ça, au hasard, les jouets des petites filles et des petits garçons.

Donc, nous sommes dans un société de conditionnement. Mais j'ai pas envie de me lancer dans un débat là-dessus maintenant.

En fait aujourd'hui je voudrais vous parler d'un conditionnement autre. Le conditionnement physique. Dis comme ça on dirait une expérience de l'armée... Mais non. 
Le conditionnement physique donc.
                                                           Au niveau du corps.
                                                                                             Pas du social.
                                                                                                                     Vous avez compris ?

En fait je suis sûre que vous avez tous fait l'expérience au moins une fois dans votre vie.

Situation :

Vous êtes dans un magasin, dans le métro, à la gare, bref, dans un endroit où il y a un escalator. Ou escalier mécanique. Et pas remontée mécanique, comme j'ai envie de l'écrire. Oui j'ai envie de partir au ski comme tout le monde, mais j'ai pas de vacances, voilà, on reprend ?


ESCALATOR by ANOZER
Donc dans un endroit avec un escalier mécanique. En PANNE s'il vous plaît. 

Très important.

Donc vous vous apporchez de cet escalier mécanique, en panne. Vous SAVEZ qu'il est en panne. Vous le VOYEZ. C'est clair. Net. Précis. Sûr à 298%.

Et pourtant...

Au moment où vous posez le pied sur cet escalier, vous avez un temps d'arrêt au niveau de votre jambe. Comme quand vous posez le pied pour monter les marches alors que l'escalier est fini. Pourquoi ce décalage ? Parce que votre corps s'est préparé au décalage de vitesse entre l'immobilité du sol et le prétendu mouvement de l'escalier mécanique.

Et pourtant...

Vous SAVEZ que l'escalier mécanique ne fonctionne pas. Vous le VOYEZ. Et votre corps ne réagit pas en conséquence.

Personnellement j'ai essayé de me répéter, de me dire, "il est cassé", de me concentrer sur cet vérité qu' "il ne marche pas".

Et bah non.

Mon corps a été conditionné pendant des années à associer l'escalier mécanique et le mouvement.

Conditionnement ?
Réflexe ?

Je ne sais pas.

Mais moi, ça m'étonne à chaque fois.

C'est le seul exemple que j'ai en tête, mais si vous, vous en avez d'autres similaires, n'hésitez pas à téléphoner... euh, à en parler...

the escalator by huxne123


jeudi 16 octobre 2014

NoSTaLgiE

Combien de personnage dorment encore dans ma tête ?
Combien d'histoire attendent d'être écrite ?

Pour plaisanter ma famille se moque et dit que dans ma tête, il y a 25 personnes. En fait, c'est moi qui ai sorti ce chiffre. Comme ça. 
Est-ce qu'il y a vraiment 25 personnes dans ma tête ? Non.
Mais n'y a-t-il qu'une seule personne ? Non plus.

Dans ma tête, dans mon imagination, il y a déjà mon moi. Mon autre moi. Plus fort. Plus agile. Plus mieux. Forcément. Mais toujours aussi petite. Ma taille n'est pas un problème. J'en suis faussement gênée.

Ensuite. Autour de mon moi autre, il a tous les autres. Tous les héros de mon enfance et d'aujourd'hui. 
Héros de mon enfance encore présent par nostalgie, mais auxquelles je ne crois plus vraiment. Un peu comme ce tas de peluche qui reste dans ma chambre et dont je suis incapable de me débarrasser, mais avec lesquelles je suis incapable de jouer. 
Encore plus triste.
Certain de leurs noms se sont effacés de ma mémoire. Je les regarde, et elle reste anonyme. Pourtant je me souviens parfaitement de ces soirées à jouer sous ma couette. 
Tout les soirs.

Incapable de m'endormir sans une histoire.

Imagination by archanN

Encore toujours maintenant. Sauf que maintenant, les histoires reste dans ma tête.

Qu'est-ce qui change ? Qu'est-ce qui fait que la magie disparaît ?
Qu'un jour vous regardez votre peluche, playmobil, lego, petit frère déguisé et que vous vous dîtes... Non. Non, ça ne marche plus. Je n'y crois plus. La magie n'opère plus. 

Plus de père noël.
                             Plus de petite souris.
                                                               Plus de marchand de sable.
                                                                                                           Plus de monstre sous le lit.

A chaque pas vers son avenir, c'est un peu de magie qui reste en arrière.

Pourquoi un jour on devient incapable ? Incapable. Aux yeux d'un enfant tout du moins. Car plus vous devenez un incapable, plus vous devenez capable. En tant qu'adulte. Je crois.

Bien sûr, sur le chemin, on retrouve de la magie. Autrement. Ailleurs.
Elle ne disparaît jamais. 
Jamais vraiment.
Dans les livres. Les films.
Nos héros changent.

De peluches, jouets, ce sont maintenant des héros de livre, de film. Des héros réels aussi. Peut-être. Et nos jouets, nous les regardons avec tendresse. Ne sachant plus quoi en faire. Ne sachant plus comment ils fonctionnent, mais ne voulant pas s'en débarrasser.

J'écris des généralités, mais je sais que ça ne concerne pas tout le monde. Peut-être suis-je la seule vraiment concernée. Peut-être que je cherche à énoncer des vérités juste pour mieux me connaître. Peut-être que je suis trop prétentieuse. Peut-être.

Mais bon. Sur les 25 personnes ou personnages dans ma tête, doit bien en avoir un prétentieux.

Je ne suis pas vraiment 25 dans ma tête. Mais je n'y suis pas toute seule non plus. Dans ma tête c'est un peu Alice au Pays des Merveilles, mais avec tous les héros de livre. Tous mes héros. Ceux en qui je crois. Ceux en qui je croyais. Et il reste de la place pour ceux en qui je vais croire.

Dans mon jardin imaginaire, il y a aussi mes héros. Pas ceux que je m'approprie, mais ceux qui m'appartiennent. 
Beaucoup sont des avatars de moi-même.
Mais pas tous.
Certains ont même commencé une vie propre. Sans me demander mon avis.

Les effrontés...

Il n'y a pas que nous qui grandissons.

Summoner Library by asuka 111
Nos héros aussi...