Numéro 27
Il en était à sa 26ème victime, ouais 26. Un beau chiffre. Un chiffre pair. 26 victimes. Et pas que dans son quartier, ah ça non ! Dans toute la ville. Et que des femmes en plus. Ouais, du boulot. Bon, d’accord, une fois il avait eu un homme. Mais c’était par erreur. Il se voulait professionnel. Il ne voulait pas, ne devait pas commettre la moindre erreur. S’il ne voulait pas courir d’ennuis. Il calculait tout. Tout d’abord, établir l’emploi du temps de la victime. Repérer les moments où elle est seule. L’attaquer par derrière et s’enfuir avant que la victime ait le temps de donner l’alerte. A ce moment-là, il avait un frisson. Le frisson du travail bien fait. Ouais, du travail bien fait. Il était un artiste. L’artiste le plus accompli de la ville même. C’était certainement de la prétention, mais étant le seul criminel en son genre des environs, pouvait-on vraiment dire que c’en était.
Une horloge, quelque part, sonna. 4h. C’est l’heure. Il se leva du canapé, évita les quelques canettes de bière, éteignit la télé, lança la fléchette avec laquelle il jouait depuis un moment déjà et fit la grimace quand elle se planta dans la zone 10. Mauvais. Heureusement qu’il était plus adroit dans ses affaires. Un sourire se dessina doucement sur ses lèvres. Ses affaires. Mon Dieu, qu’il lui tardait d’être à celle de tout à l’heure. Il en jubilait d’avance. Lire l’étonnement sur le visage de sa victime, puis la peur, l’acceptation ; quand elle s’abandonne à son sort. Et puis le cri, ou l’absence de cri, mais avec quand même la volonté de crier. Le cri silencieux était son préféré. Cela voulait dire qu’il avait été assez rapide pour qu’il n’ait pas le temps de prendre forme. Oui, il espérait ce cri silencieux. C’était l’apothéose de son crime. Il alla à sa penderie. Comment allait-il s’habiller ? Car choisir ses vêtements était tout sauf anodin. Il fallait opter pour des habits discrets et passe-partout et qui dissimulait surtout ses traits et son visage. C’était une étape méticuleuse et il y accordait beaucoup de soins. Une fois prêt, il s’admira un instant dans la glace.
Il ne pouvait tenir en place, de jubilation. Il se rua dans les escaliers, émergea dans la rue et se dirigea vers le lieu du crime. Il dû se retenir de courir pour y arriver. Là, il s’approcha, tel un fauve et jeta un œil dans la boutique. La victime était bien là. Comme prévu. Elle avait presque fini. Il sourit. Cela allait être plus amusant que prévu. Il se fit violence pour ne pas se frotter les mains. Et pour ne pas avoir l’air suspect, il se mit à lire les différents panneaux publicitaires. Elle sortit, enfin ! Elle lui tournait le dos. Tête nue. Nuque dégagée. Il se mit à la suivre. A chacun de ses pas, son excitation grandissait. A un moment il n’y tint plus, il se mit à courir. Sa proie ne se retourna même pas. Il la rattrapa rapidement et au moment où il la dépassa, il lança sa main dans ses cheveux. Elle eut un cri surpris - dommage. Sa permanente venait de tomber à l’eau, elle était toute décoiffée. Mais que pouvait-elle vraiment crier ? Lui était déjà loin. Et de 27…
Petite nouvelle rédigée pour le journal de la classe, le Petit Monde.