La série de texte qui va suivre a été écrit pendant le mois d'octobre pour un challenge d'écriture où il fallait que j'écrive en texte en fonction d'un mot précis.
Le mot de ce texte est : FLAMBOYANT
Le mot de ce texte est : FLAMBOYANT
Le chevalier flamboyant
La rumeur
courrait dans les rues plus vite que les rats fuyant les chats, gonflant,
enflant, prenant de l’ampleur à chaque murmure, à chaque phrase. Et derrière
cette vague de « j’ai entendu dire… », de « tu n’es pas au
courant ? », de « il faut que je te raconte », les gens
s’agitaient, les gens courraient, toujours plus vite, toujours plus pressés.
Avant même que le clocher n’ait sonné huit coups, toute la ville était en ébullition,
battant le pavé d’impatience et les gardes contenaient à grand peine les
curieux loin des portes d’entrées. Et pour cause, le chevalier Paloum revenait. Et non seulement il revenait, mais il
revenait victorieux. « Il a écrasé son ennemi avec la seule force de son
poing », « il l’a fait tomber de cheval juste en croisant son
regard », « son adversaire a tellement eu peur qu’il ne s’est pas
montré au combat ». Les papotages et commérages en tout genre allaient bon
train. A raison. Le chevalier Paloum, chevalier attitré du seigneur de ces
lieux, favori du roi, voleur de cœur de ces dames, n’avait souffert d’aucune
défaite en tournoi depuis son adoubement. Et fait encore plus exceptionnel, il
n’avait jamais essuyé une seule blessure.
Cet exploit encore inégalé et resté inégalable avait bien entendu son lot de détracteurs
qui appelaient à la sorcellerie ou à la magie noir, tant il paraissait
impossible qu’un homme soit capable de telles prouesses. Les fidèles quant à
eux vantaient les talents de cet homme extraordinaire et mettaient en avant sa
fidélité exemplaire au seigneur et au roi.
Et soudain les portes s’ouvrirent. Et soudain, les étendards s’avancèrent. Et
soudain les bruits des sabots retentirent. Et soudain les écuyers arrivèrent.
La foule guettait.
La foule s’impatientait.
Mais la foule attendait.
Et après un cortège de serviteurs, hérauts, écuyers, apprentis, dame de compagnie, son attente fut récompensée.
Tenant les rennes de son cheval d’une seule main, prêt à saluer la foule de l’autre,
le chevalier Paloum approchait. Il avait fière allure dans son armure
étincelante, aussi brillante qu’au premier jour. Les rayons du soleil se
reflétaient à la perfection sur le plastron luisant, illuminant les rues et le
cœur des gens.
Son casque sous le bras, sa magnifique chevelure rousse bercée par une brise
légère, il répondait maladroitement à la clameur des habitants à son passage.
A côté de lui, Hemrich, un autre chevalier, ne
pouvait s’empêcher de sourire. Malgré sa popularité évidente et ses exploits
sans cesse renouveler, Paloum n’arrivait pas à s’habituer aux jets de fleur,
aux déclarations d’amour enflammées, aux cris d’allégresses ou autres
manifestations d’admiration à son égard. Il jeta un regard en biais à Godefroy
qui lui rendit son sourire hilare.
L’avancée
dans les rues se passait sans encombre, jusqu’à ce que le chevalier Paloum
entendit un écho qui discordait avec ceux de la foule en liesse. Son regard se
porta au-delà de la haie d’honneur et il remarqua un mouvement inhabituel.
Intrigué, il arrêta son cheval. Ses comparses l’imitèrent troublés et curieux.
D’un coup de talon, et d’un mouvement de main habile, il dirigea sa monture
vers l’origine de l’élément perturbateur.
Progressivement,
la foule se calma, et s écarta, surprise par le comportement insolite du
chevalier qui d’ordinaire retournait au château du seigneur sans plus de
cérémonie.
L’élément
perturbateur se révéla être deux enfants aux prises avec plusieurs gardes qui
semblaient les empêchaient d’approcher. Paloum prit alors la parole.
« Hola vaillants soldats de la garde, pouvez-vous me
dire ce que cela signifie ? »
Aussitôt que les deux bambins remarquèrent la présence du chevalier, ils se tinrent cois, la bouche bée. Les gardes quant à eux, eurent un mouvement d’agacement qui disparut aussitôt qu’ils reconnurent le grand, le fameux, le magnifique chevalier Paloum. Ils s’adressèrent à lui du mieux qu’ils purent alors qu’il descendait de son vaillant destrier.
« Ils voulaient
s’approcher de vous Monseigneur chevalier, mais nous on n’voulait pas trop, qui
sait ce que ces manants, ces vauriens peuvent cacher sous leurs tuniques et on
aurait été comme qui dirait embêtés qu’il vous arrive malheur. »
Le regard du chevalier se porta sur les deux enfants.
Il se demanda un instant comment les gardes pouvaient penser que ces gamins
pouvaient représenter une quelconque menace. Deux jeunes garçons d’une dizaine
d’année, peut-être douze, leurs corps malingres et sales rendant difficile une
estimation correcte. Leurs tuniques n’étaient pas de première main et laissaient
passer plus de courant d’air qu’elles ne retenaient la chaleur.
Le plus jeune et le plus fin des deux sembla
reprendre ses esprits et commença à parler.
« Sieur Paloum, je… »
Aussitôt l’un des gardes se retourna et leva la main.
La fin de son geste fut interrompue par la poigne de fer du chevalier. La foule
retint son souffle.
« J’aimerai entendre ce qu’il a à me
dire. »
Le garde ouvrit la bouche et la referma comme une
carpe. Si ça ne tenait qu’à lui, il aurait renvoyé les gamins de la boue d’où
ils venaient, mais il ne pouvait pas tenir tête à un chevalier, et encore moins
à celui-là.
Loin du regard assassin du
garde, loin des regards de pitié de la foule, le regard du chevalier s’était
teinté d’une certaine tendresse, et peut-être même, d’une pointe de
nostalgie ?
Quelqu’un d’attentif aurait
remarqué que les yeux du chevalier ne regardaient les enfants d’ailleurs, ils
s’étaient perdus dans le temps. Ce n’était pas de simples marmots qu’il
contemplait, c’était lui, il y a bien longtemps.
Quand il se nourrissait avec le souvenir de son dernier repas.
Quand ses meilleurs habits n’avaient qu’une dizaine de trou.
Quand il se convainquait que marcher pied nu ça forgeait le caractère.
Quand il était si fin, qu’il ne semblait pas avoir d’ombre.
Le chevalier Paloum ne venait pas d’une maison noble.
Il avait grandi dans la rue, entre des tonneaux, des rats et des cris de
poissonniers. Les gens se moquaient de lui. Il était frêle. Il avait des
cheveux de couleur bizarre. Il avait un prénom original. Bref, le parfait chien
galeux, le parfait bouc émissaire.
Si le chevalier Paloum n’était pas à l’aise avec sa chevelure. Si le chevalier Paloum courbait le dos quand il saluait la foule. Ce
n’était pas par humilité. C’était par peur.
Peur de recevoir une moquerie.
Peur de recevoir un cri.
Peur de recevoir du poisson pourri.
Les vieilles habitudes avaient la peau dure. Surtout quand elles ont guidé chacun de vos pas depuis votre enfance.
Car même si par chance il avait réussi à devenir palefrenier, puis écuyer, puis apprenti chevalier, les moqueries,
elles, n’avaient jamais cessé. Il était même presque certain d’avoir entendu un
rire étouffé lors de son adoubement. En fait, le chevalier Paloum se souvenait
très bien du jour où les moqueries s’étaient arrêtées.
Après sa première victoire, annonciatrice de tant
d’autre…
Il avait expédié son adversaire plus rapidement que
n’importe qui d’autre en le désarçonnant de son cheval dès la première lance.
Après les railleries.
Le silence.
Après le silence.
Les cris de joies.
Et ceux-ci retentissaient encore et toujours.
Son regard se plongea dans celui du gamin.
« - Sieur…euh… je…
- Rends toi aux écuries demain, il y aura du travail
pour toi, et pour ton ami s’il le souhaite. »
Le gamin n’en croyait pas ses oreilles. D’ailleurs
personnes n’en croyait ses oreilles. Encore moins les gardes.
Sans en ajouter plus, le chevalier se redressa et
retourna à son cheval. Avant de monter en selle, il se tourna une dernière fois
vers les marmots.
« Quel sont vos nom, damoiseau ? »
C’est avec un sourire flamboyant mais manquant de
dent que le jeune lui répondit :
« Arthur monseigneur ! Et mon compagnon
c’est Gabin ! »
Paloum hocha la tête, enfourcha sa monture et reprit
sa marche vers le château alors que les ménestrels se mirent à chanter une balade :
« Puissants cheveux,
Ondulés au vent
Semblant de feu,
Aux reflets rougeoyants.
Quand la défaite coûte aux
arrogants,
Il n'y a point de doute pour
cet élégant
Personne ne joute, sans
craindre l'étincelant
Aucun sang ne goutte, sauf
pour ces manants
Comme un Loukoum vous donne
la force de cent
Gloire à Paloum, le chevalier
Flamboyant »
Merci à Dr_Pargo pour le
poème