jeudi 20 novembre 2014

ChArLoTte

A gauche, "Daberlohn at Paulinka sur le piano pour "Bist du bei Mir" de Bach | A droite, la couverture de "Charlotte", de David Foenkinos

Un jour j'ai eu un choc. Je payais mes livres dans une librairie et pour une raison X ou Y, je lève les yeux, et mon regard se promène sur les étagères, et se retrouver face à moi. Ou plutôt, face à une partie de moi.
Mon prénom
Charlotte

Sous les sorties littéraires du mois. le livre, Charlotte de David Foenkinos. Le nom de l'auteur me dit quelque chose. Alors que je rejoins mes camarades de classe, je trouve. David Foenkinos auteur de la Délicatesse, livre que j'ai beaucoup aimé. Livre où j'ai beaucoup pleuré.
Nous quittons le magasin. Le livre reste dans ma tête. Quelques mètres plus loin, j'invente une excuse bidon, abandonne mes camarades. Curieuse. Je reviens sur mes pas. Dans la boutique, je prends le roman, lis le résumé. Le repose. Pas convaincue.

Un mois plus tard, ma mère me fais un cadeau. Je tâte l'emballage. Un livre. Je découvre le titre sans réelle surprise.

Certaines rencontres sont inévitables.
Surtout quand ces rencontres ont le même prénom que vous.

Le livre traîne quelques jours sur ma table de chevet. Je suis dans une autre lecture.
Un soir, je commence.
Seule avec Charlotte.

Erreur

Le drame me monte à la gorge.
Deux pages et j'arrête.
Trop d'horreur.                                  
Trop intense.                
Trop... Réel.

Je ressens un besoin d'appeler pour me rassurer. Pour me sortir du livre. L'immersion a été trop rapide. Ce n'est pas que je n'arrive pas à sortir la tête de l'eau, c'est que je me noie, tout simplement. Je le repose sur ma table de chevet.

Les jours passent encore. Le livre ne bouge plus. La couverture est cachée. Sur le bandeau, Charlotte me regarde avec un air neutre, que j'imagine rempli de reproche, reproche de la laisser là. Malheureusement pour elle je ne lui accorde aucune attention, je ne touche même pas le livre. Je suis encore trop marquée par cette première rencontre. Je la laisse cicatriser. Je finis de vider l'eau de mes poumons.

Et. Un jour. Aujourd'hui. Je me décide.
Pourquoi ?
Le livre se retrouve dans mon sac.
Comment ?

Je lis.
               Dans le tram.
                                       En attendant le professeur.
                                                                                   Pendant la pause.
                                                                                                                 Pendant le cours même.
                                                                                                                                                     Je lis.

Il faut que je finisse cette histoire qui m’asphyxie.

L'auteur parle de façon haché. Comme s'il se débattait à la surface d'une eau agitée, lâchant ses phrases quand sa tête sort de l'eau.

Rapidement pour ne pas boire la tasse.
Rapidement avant d'être de nouveau immergé.
Rapidement au lieu de respirer.

Raconter est plus vital que respirer.
Surtout dans cette rencontre. A des dizaines d'année d'écart. Rencontre intense.
Rencontre à sens unique. Rencontre unique. Rencontre vitale.

Raconter... Comment ?
Sa vie n'est pas de celle que l'on raconte paisiblement.

Raconter cette vie.
Quelle vie !?
Vie de mensonge, de souffrance, de douleur.
Vie de joie, de révélation, d'artiste.
Vie intense. Lourde vie. Mais Vie tout de même.
Exceptionnelle même, de vivre cette Vie.

Le livre est refermé. Fini. J'essuie les larmes aux coins de mes yeux. Je me pose. Je réfléchis.

Parce que Charlotte est mon homonyme, j'ai un instant l'impression de la comprendre.
Un instant.
Fugace.
Déjà oublié.
Qui peut comprendre ?

Je pleure.
Autant touché par la vie de cette peintre que par le récit de l'auteur.
Une déclaration.
                                         Une recherche.
                                                                                 Une découverte.
                                                                                                                           Une obsession.

David Foenkinos et un autoportrait de Charlotte Salomon
@ Franck Courtes Agence VU/Keystone

Dans la hâte des mots, le bousculement des phrases, la précipitation de l'écriture, il y a de tout ça. Et ça se sent à la lecture.
Et en tant que lecteur. Nous aussi. On se sent vite. A court. D'oxygène.

A la hâte... le récit est trop important pour qu'on ait besoin d'oxygène. Comme une écharpe il s'enroule autour de nous. On ne peut pas lâcher le livre. On lit en apnée.

Et puis...
On ferme le livre, on lève les yeux. Le monde existe. Et ce n'est plus celui de Charlotte.

Pourtant. Pendant un moment. Elle était là. Dans l'écharpe. Dans l'apnée.

Il faut se battre, se débattre. Reprendre pied. Pied sur quoi ?
Réapprendre à respirer.
Et puis il faut digérer, digérer le livre, digérer l'obsession... Quoique ce n'est pas vraiment le terme exact. Ce n'est pas du tout le terme exact. C'est quelque chose de plus fort. D'indéfinissable.

Que faire après un tel livre ?

Le livre se ferme, et ma curiosité prend le pas.. Qui est Charlotte ? Je viens de lire l'oeuvre sur sa vie. 

Je veux voir les œuvres de sa vie, l'oeuvre de sa vie...
                                                                 Je veux...
Je veux vivre.

Du livre Leben ? Oder Theatrer ? De Charlotte Salomon
Merci Mr. Foenkinos.
Merci Maman.

Merci... Charlotte.

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